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Aucun enfant n’est épargné. Donc, il faut parler pour prévenir le caractère pathogène des images pornographiques diffusées sur le Net et les réseaux sociaux. Il faut parler à l’enfant des interdits. Il faut évoquer que les images véhiculées par les sites pornographiques n’établissent pas la réalité de l’amour. Au contraire, elles s’établissent sur des rapports de force et de domination qui franchissent l’écart entre des relations harmonieuses et des rapports toxiques, tels que violence, prédation, irrespect et désubjectivation. De ce fait, il faut « armer » l’enfant au traitement des informations, à la gestion des images, au refus de celles qui présentent un caractère toxique. Il faut clairement aider l’enfant à renoncer à la consommation de telles images et clairement énoncer que les adultes posent, à ce sujet, un interdit catégorique.
Ainsi, il est prudent de se former soi-même pour accueillir la parole de l’enfant et répondre à ses questions le moment venu, car il viendra. Si vous êtes débordé·e, déstabilisé·e par cette thématique, le recours à des professionnels psychologues, psychiatres, éducateurs, médecins de l’Éducation nationale, est conseillé. Parler pour prévenir le risque, parler pour informer, parler pour poser des interdits, parler est le premier recours face aux images pornographiques. À laquelle on ne peut laisser libre cours dans le cadre de la protection de l’enfance. La loi s’y oppose et des sanctions s’appliquent aux adultes.
Une véritable effraction psychique
La période de latence est la période du développement psychique, elle correspond à l’âge scolaire primaire, entre 7 et 12 ans. Et à l’âge statistique moyen de primo exposition à la pornographie. La période de latence met sur pause la poussée du développement, produit une accalmie de la pulsion sexuelle, partiellement éteinte. Alors, l’irruption de la pornographie dans le psychisme de l’enfant à l’âge de latence constitue une effraction véritable. L’enfant n’a, en aucun cas, pu faire le point sur la question de la sexualité génitale. C’est un continent qui est totalement étranger à son monde interne. L’enfant va « décoder » les scènes visionnées avec le matériel psychique et conceptuel dont il dispose, au demeurant peu accessible, mis en dormance par la latence, inadapté car hérité des phases antérieures de la petite enfance. Sans référentiel génital.
Les contenus X constituent alors des énigmes émotionnelles irréductibles, porteuses de fortes colorations agressives et violentes. Rapt de la psyché immature, viol sensoriel et émotionnel, blessure à l’encontre de l’équilibre de la période de latence l’irruption d’images pornographiques est une violence psychosexuelle.
À la maison
Prévention secondaire: elle consiste à accompagner l’enfant et l’adolescent tout au long de sa construction psychique. La pornographie, omniprésente dans notre société, reste accessible à tout moment de la vie de l’enfant. En contrepartie, l’adulte doit rester vigilant tout au long de l’accompagnement du jeune et faire contre-poids au risque permanent et évolutif de la pornographie. En plus des contrôles parentaux et en ajout à la protection qu’ils apportent, la protection parentale doit s’exercer au-delà des mesures sociétales « technologiques », de manière longitudinale, tout au long du développement de l’enfant. Avec une adaptation à mesure, au fil des besoins.
Si le jeune, le temps venu, commence une vie de relation amoureuse et sexuelle, il doit avoir acquis et intégré les codes de bonne conduite et pratique des réseaux. Par exemple, pour un jeune homme, il ne doit pas lui venir à l’idée que produire des photos de sa jeune compagne nue ou de leurs ébats intimes en ligne pourrait correspondre à une attitude acceptable. Malgré toutes les incitations de la technologie et facilités de diffusion sur les réseaux, en un clic, sous le raptus de l’impulsion.
À l’école
L’éducation sexuelle à l’école fait partie des enseignements obligatoires. Son enseignement est réglementé par un texte de référence, L’éducation à la sexualité, circulaire n° 2018-111 du 12 septembre 2018. Dès le primaire, tous les enfants de France assistent à trois séquences annuelles d’éducation sexuelle. Pas clairement une priorité! Mais les parents sont tout de même en droit d’attendre que ces séances soient effectivement délivrées, depuis la loi de 2001 et la circulaire du 17 février 2003.
Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État à l’égalité entre les hommes et les femmes, a infléchi l’intitulé, en joignant la notion d’éducation à l’affectivité: « Trois séances d’éducation à la vie sexuelle et affective » sur lesquelles repose « le bien-être amoureux futur des enfants de France ».
Pourquoi si peu de temps consacré? Si peu de cadres? Obligatoire en Suède dès 1950, l’éducation sexuelle n’a été rendue obligatoire qu’en 1998 par Ségolène Royal. Alors qu’en Suisse les cours s’adressent aux enfants dès 7 ans et se déroulent en présence des parents.
À l’école primaire, les temps consacrés à l’éducation à la sexualité incombent au professeur de classe. Ces temps sont intégrés en résonance aux autres enseignements adaptés aux opportunités de la vie de la classe, des projets d’école, les projets d’éducation à la santé menés par la médecine scolaire: médecins, infirmières et enseignants co-interviennent.
Au collège, au lycée, trois séances annuelles d’éducation à la sexualité, en lien avec la philo, la biologie sont organisées par une équipe de personnels volontaires et formés, professeurs, conseillers principaux d’éducation, infirmiers, en lien avec des partenaires extérieurs avec agrément national ou académique. Elles peuvent avoir lieu dans le cadre des enseignements des sciences de la vie et de la terre (SVT), dans le cadre des séances annuelles d’éducation à la sexualité, dans le cadre des actions éducatives, dans une approche transversale de la prévention.
Par le repérage des enfants ou ados victimes de violences sexuelles, un axe prévention des violences sexuelles définit l’exposition à la pornographie comme une violence sexuelle. Lors des visites médicales de dépistage, les personnels de santé repèrent les enfants victimes de violences. Les personnels de l’Éducation nationale ont l’obligation de porter secours et de signaler la situation au procureur de la République.
Catherine Dunezat