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Le mandat de Dominique Baudis à la présidence du Conseil supérieur de l’audiovisuel arrive à son terme. L’occasion pour Pédagogies de faire un point sur l’action menée par l’institution en faveur des adolescents.

Quel est l’impact de la télévision sur les adolescents ?

Il est énorme. Sur les Français en général et sur les jeunes en particulier. Chacun regarde la télé en moyenne trois heures et demi par jour. On sait bien que les enfants sont de gros consommateurs de programmes tout comme les ados et les per­sonnes âgés. Les adultes, pour des raisons professionnelles, ont moins de temps. L’impact est im­portant car un enfant va passer plus de temps à écouter la radio ou à regarder la télévision qu’à écouter son professeur dans la sal­le de classe. Ces médias jouent un rôle important dans la formation de la personnalité de l’enfant et de l’adolescent. Il ne faut surtout pas diaboliser les médias audiovi­suels. Il y a parfois des problèmes, trop souvent à mon goût, mais en dehors de cela, on trouve des programmes d’éveil, d’approche des questions scientifiques. Je pense que les familles, les parents, les éducateurs ont un rôle à jouer pour orienter autant qu’ils le peu­vent le choix des enfants vers les programmes qui pourront leur ap­porter quelque chose.

Comment pouvons-nous éduquer nos ados à bien regarder la télévision?

Le rôle des parents est d’essayer de donner aux enfants, dès leur plus jeune âge, le goût de la lec­ture. Sans imaginer pour autant qu’ils n’allumeront jamais un écran de télé, ou qu’ils n’écouteront ja­mais la radio… Il s’agit également d’aiguiser leur curiosité, d’attirer leur attention vers des program­mes qui peuvent les ouvrir sur le monde dans lequel ils vivent. Je pense que c’est possible, qu’on peut les y amener, mais cela exige une forte implication éducative de la part des parents. Nous ne de­vons pas non plus utiliser la télévi­sion ou la radio pour alléger notre mission de parents. Dans le choix du programme, les parents peu­vent jouer un rôle, il ne s’agit pas d’imposer ou d’interdire, mais en­core une fois d’orienter et d’aigui­ser la curiosité

Quelle est votre plus belle victoire pendant ces  public en tant que président du C.S.A ?

Notre plus gros succès est la mise en place d’une signalétique lisible et claire. Elle permet aux familles de discerner immédiatement si un programme est déconseillé à telle ou telle tranche d’âge. C’est la me­sure la plus utile que nous ayons mise en place vis-à-vis des jeunes.

Cette mesure a-t-elle un impact auprès du public ado?

Un enfant de 6 ou 7 ans, lorsqu’il voit à l’écran « – de 10 ans », est souvent le premier à demander de changer de programme : il a peur d’avoir peur… Évidemment, un ado de 13 ou 14 ans ne sera pas ef­frayé en lisant la mention « interdit aux mois de 16 ans ». Le fait, dans un premier temps, que l’enfant s’habitue à cette signalétique et en tire des conséquences quant à son propre comportement, peut générer par la suite des comporte­ments plus responsables vis-à-vis de lui-même. Il est certain que les parents gardent un rôle majeur car, plus les années passent, plus l’exercice de l’autorité devient dif­ficile et se négocie. C’est une évi­dence…

Quel a été votre plus gros échec pendant ces 6 années ?

En 2002, nous avons oeuvré pour que le parlement vote un texte interdisant la diffusion de films pornographiques à la télévision. Les études font en effet apparaî­tre que chaque année, 500 000 enfants de moins de 11 ans voient un film pornographique. C’est énorme ! Il s’agit souvent de leur première représentation des rap­ports sexuels et pour un enfant de moins de 11 ans, cela peut être assez traumatisant. Nous avions adopté une recommandation en ce sens, le problème est que nous n’avons pas été suivis par le par­lement, or le CSA ne peut pas se substituer au législateur…

Depuis votre arrivée au C.S.A, la télévision a-t-elle été éducative?

Oui, elle l’a toujours été. Mainte­nant, il y a un plus grand nombre de chaînes donc davantage de documentaires, davantage d’émis­sions au contenu éducatif. Ce qu’il faut à tout prix, c’est éviter de dia­boliser la télévision et la radio en mettant sur leur dos tout ce qui ne va pas chez les enfants. Ce n’est pas vrai ! Les enfants aujourd’hui ont une appréhension du monde et de ses problèmes plus aigus que les enfants de ma généra­tion, de celle de mes parents ou de mes grands-parents. Grâce à ces médias, Ils sont sensibilisés, par exemple au réchauffement de la planète, dès l’âge de 7 ou 8 ans. Je ne suis pas convaincu qu’il y a cinquante ans, les grands pro­blèmes du monde étaient perçus par les enfants. La télévision leur apporte beaucoup. On a tendance à se polariser sur les difficultés, les chocs ou les traumatismes qu’elle peut provoquer chez l’enfant ou les adolescents. Il y a des problè­mes, c’est vrai. Responsabilité de la télévision, responsabilité du CSA, responsabilité des familles, certes… mais il ne faut pas oublier que c’est aussi une ouverture et une connaissance du monde plus précoce qu’auparavant.

Quelle position avez-vous défendue ?

Une position équilibrée, en par­tant du principe que nous sommes dans un pays de liberté, et que l’on ne peut interdire les émissions. Cette liberté est équilibrée par des responsabilités. Concrètement, sur les émissions de téléréalité nous avons été obligés de demander assez fréquemment des aména­gements dans certaines émissions pour qu’elles restent respectueu­ses de la dignité des personnes.

A quels principes d’éducation êtes vous attaché en tant que parent?

Liberté et responsabilité. Je suis prêt à accorder plus de liberté aux enfants, mais il faut qu’ils sachent que plus la liberté est grande plus la responsabilité est grande.

Quand peut-on dire, selon vous, que l’on a réussi l’éducation de ses enfants ?

Pour moi, le but des parents est de parvenir à faire en sorte que leurs enfants deviennent des adultes heureux. Ce sont les enfants qui peuvent nous dire si l’on a réussi…

Lorsque l’on a été victime de calomnies comme ce fut votre cas, comment continuer à exercer son rôle de re ?

Dans les circonstances difficiles, on ne peut puiser des forces que dans la solidité et la force du lien affectif et familial, en particulier avec ses enfants. Souvent, dans les épreuves, le lien se renforce. Le sentiment d’amour et d’affection que l’on passe sous silence, un peu par pudeur, s’exprime plus aisé­ment dans les périodes difficiles. On se dit des choses que l’on ne s’était jamais dites jusque-là…

Propos recueillis par Marie BERNARD

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