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Cyprien Verseux est astrobiologiste et membre de la mission HI-SEAIS. Pendant un an, il a vécu dans les conditions d’une mission sur Mars. Dans son livre « Vivre sur Mars », il raconte cette aventure très particulière. À l’heure où le président américain annonce qu’il compte relancer la conquête de l’espace, ce qui n’était que fiction devient peu à peu réalité.
Qu’est-ce qui pousse l’être humain à rêver de vivre sur une autre planète que la sienne, aride et hostile à la vie humaine ?
Le besoin d’exploration est ancré en nous. L’homme a toujours ressenti le désir d’aller voir ce qu’il y avait derrière la montagne, derrière l’océan… Maintenant que l’on peut aller n’importe où sur Terre, on a envie d’aller voir ailleurs. On a encore beaucoup de choses à apprendre. On ignore par exemple s’il existe un lien entre la vie sur Terre et la vie sur Mars. Si la vie existe sur Mars, il est possible qu’elle ait contaminé la Terre lors d’expulsions rocheuses ou inversement. Des microbes contenus dans les roches pourraient alors avoir survécu.
Comment en êtes-vous arrivé à intégrer la mission HI-SEAS ?
J’ai effectué mon stage de fin d’études à la NASA. J’ai travaillé sur des systèmes développés pour l’exploration de Mars. Ensuite, je me suis porté candidat pour la mission Mars 365. Finalement, la mission a été annulée, mais on m’a suggéré de me porter candidat sur la mission HI-SEAS, c’était une nouvelle chance ! J’ai donc enchaîné des épreuves, des tests psychologiques et cognitifs, j’ai passé les entretiens, j’ai présenté un dossier écrit, j’ai exposé mes motivations… L’épreuve finale consistait en une semaine de survie dans les montagnes rocheuses. Nous n’étions plus que huit candidats. On nous a déposés à l’entrée de la montagne et on nous a donné cinq jours pour sortir à l’autre extrémité du parc en trouvant les points d’eau.
Il existe des milliers de planètes, pourquoi s’intéresser plus particulièrement à Mars ?
Mars est la planète la plus proche de nous. Elle est la seule où l’homme peut survivre, où la gravité n’est pas trop importante, où la température est plutôt douce… On pourrait y trouver tous les éléments dont on a besoin : on peut par exemple créer de l’oxygène avec le carbone présent dans l’air. Les technologies actuelles rendent envisageable la création de colonies sur mars.
Le film Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon, donne-t-il une vision réaliste de ce que pourrait être la vie humaine sur la planète rouge ?
Le film est en effet réaliste à quelques détails près. Par exemple, on y voit une tempête qui fait tomber le vaisseau. En fait, sur Mars l’atmosphère est très fine et dans la réalité, les choses ne se passeraient pas ainsi. En dehors de quelques détails, l’ambiance, l’atmosphère globale est assez réaliste.
Quels sont les aspects les plus fascinants pour l’homme dans la vie sur Mars ?
Il est intéressant de savoir s’il existe une vie sur Mars. Dans l’hypothèse où l’on trouve une forme de vie, nous chercherons à savoir si cette vie est indépendante de la vie sur Terre. Cette forme de vie est-elle très différente de la nôtre ? Peut-être découvrirons-nous que la vie n’est pas si rare qu’on le pense dans l’univers ? On découvrira peut-être qui a contaminé qui ? Les explorations sur Mars nous aideront à connaître en davantage quant à l’origine de la vie sur Terre, à trouver des chaînons manquants…
Quel est le plus gros enjeu d’adaptation pour un humain sur Mars ?
Le principal enjeu est physique : il s’agit des effets de la gravité sur les muscles, sur le système cardiaque. L’enjeu psychologique principal concerne l’isolement, un aspect particulièrement difficile. Lors d’une mission sur Mars, on est enfermé avec les mêmes personnes pendant deux ans et demi minimum. Sur Mars, on ne peut pas parler de manière instantanée avec d’autres personnes que celles de la mission. On peut avoir une forme de conversation, mais avec un délai de 3 à 23 minutes, selon le positionnement des planètes. Les conversations en temps réel se limitent à celles que l’on a avec ceux qui sont avec nous. Le confinement est également difficile. On ne sort jamais à l’air libre. Soit on est dans le vaisseau, soit on est dans l’habitat, soit on sort à l’extérieur mais avec une combinaison…
Combien de temps prendra un voyage sur Mars ?
La durée du trajet dépend de la date à laquelle on part. Une durée possible serait la suivante : six mois de trajet aller, un an et demi de mission sur place, six mois pour revenir. Une mission pourrait donc durer deux ans et demi.
Quels sont les effets psychologiques que vous avez constatés ?
J’apprécie beaucoup plus les choses simples : appeler un ami, manger des fruits frais… La vie en communauté fait mûrir. On travaille ensemble tout le temps, il n’y a pas de moyen de s’éviter. Il faut faire attention à tout pour ne pas être une menace pour la mission.
Le danger de mort peut difficilement être simulé dans une expérience telle que celle que vous avez menée… Comment se préparer à ce facteur psychologique ?
D’autres missions permettent de se confronter au risque : une expérience sur un pôle ou dans un sous-marin par exemple. Aucune mission ne peut simuler tous les aspects ensemble. On s’habitue au risque de mort, elle devient alors un peu comme un fond sonore.
Que pensez-vous de l’objectif fixé par Donald Trump : une mission habitée sur Mars à l’horizon 2030. Cet objectif est-il vraiment crédible ?
Il est réaliste si on s’en donne les moyens, notamment en allouant des budgets.
Irez-vous sur Mars un jour ?
Aller sur Mars, c’est un rêve ! J’aimerais beaucoup… même si cela n’est pas probable. Je ne m’en fais pas un objectif. En revanche, je veux contribuer à ce que quelqu’un puisse y aller !
Propos recueillis par Marie Bernard