Autonomiser les décisions chez son ado

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S’il est raisonneur, l’adolescent peut être également raisonnable. Mais comment faire pour l’entraîner sereinement dans son processus d’individualisation ?

Si nous nous attardons sur les peintures médiévales et celles de l’époque moderne qui dépeignent le quotidien de la famille, on remarque avec étonnement que la représentation de l’enfant est souvent réalisée de façon a reprendre les traits de l’adulte. L’enfant est alors conçu comme un adulte non fini, en puissance, et cela transpire par une technique qui découle d’une homothétie de proportions et de traits morphologiques empruntés à l’adulte. En d’autres termes, le statut de l’enfant, notamment en raison de la mortalité, n’existait peu ou pas. La perception de l’enfant en tant que tel et la prise en compte de ses besoins daterait du XIXe siècle. Ce même siècle décidera également de créer une nouvelle période dans la vie. Un nouvel âge entre l’adulte et l’enfant. L’âge, ambivalent, de la crise mais également de tous les possibles. Au XIXe siècle, philosophes, médecins, essayistes et pédagogues, fortement imprégnés des idées rousseauistes, voient d’abord dans l’adolescence une période marquée par la puberté, par le trouble. C’est un âge bâtard voire ingrat  aussi bien physiquement que moralement. Les adolescents manqueraient naturellement de lucidité, trop empreints au rêve, trop peu expérimentés pour agir raisonnablement et mus excessivement par les passions. Le XIXe siècle juge et décide de calquer alors les phobies bourgeoises sur le malêtre adolescent : intempérance et décadence, explosion de la sexualité, de l’hystérie féminine, des révoltes et de  l’insubordination. La vision réactionnaire de la jeunesse ne faisant écho qu’au triste jugement de certains penseurs antiques tel que Platon. « Aujourd’hui, la pensée que nous avons développé sur l’adolescence évolue. Nous ne pouvons nier que les hormones et les émotions exacerbent les comportements. Mais il s’agit aujourd’hui de désamorcer les choses avec humour et sérénité. Oui tous les parents se sentent largués, simplement parce que chaque génération d’adolescents développe ses propres codes », tempère Caroline Storch, fondatrice d’Akro Coaching, spécialisé dans le coaching d’adolescents et de parents, diplômée de Dale Carnegie school en « Leadership et Management », certifiée en hypnose et coach praticien PNL.

L’avènement de l’adolescence

L’évolution des représentations se réalise tel un retournement de veste comme le chantonnait Dutronc. C’est en fait la Troisième République qui fera de l’adolescence une classe d’âge en tant que telle. L’idée est bien évidemment de se l’accaparer par de nouveaux biais si bien que les initiatives se multiplient. Pour la jeune République il s’agit de projet solidaristes qui veulent ancrer le civisme, l’esprit de la chose publique et surtout la laïcité chez ces jeunes. Les Eglises ne sont pas en reste. Car c’est à la même époque que fleurissent de nouvelles formes d’accompagnement de l’adolescence. C’est la naissance de nouveaux modes de parrainage, du scoutisme ou de camps de vacances. Plus tard, le début du XX e sera le point de départ de nouvelles pédagogies plus permissives avec l’avénement du sport à l’école et des expériences d’autodiscipline. Aujourd’hui, encore, l’adolescence reste problématique. Sauf qu’en 2017, cette période se déclencherait plus tôt pour finir plus tard, comme l’illustre le film Tanguy d’Etienne Châtillon et le phénomène des « enfants boomerang » qui reviendraient vivre chez leurs parents alors que presque trentenaires, suite à une rupture amoureuse, un divorce ou des difficultés à trouver un emploi stable et pérenne. De fait l’adolescent n’est pas un adulte et doit continuer à compter sur eux. Cela dit, dans son processus d’individuation, l’adolescent peut aussi maladroitement s’opposer à l’autorité ou aux principes éducatifs qui l’ont mu jusqu’alors. Quelle marche à suivre pour autonomiser le presque adulte, alors rétif à tout autorité ?

Autonomisation et désaliénation

Aussi Henri Lehalle, professeur spécialiste en psychologie du développement considère-t-il l’adolescence comme « une nouvelle phase d’autonomisation, de “dés-aliénation” par rapport aux dépendances anciennes ». L’adolescent va vivre la transition d’un rapport d’autorité asymétrique voire absolu vers une relation idéalement de pairs. Concrètement, cela prendra la forme d’une alternance entre des phases de désir d’indépendance et de dépendance. La est l’un des nœuds gordien de la crise d’adolescence. Si socialement, la relation avec ses amis et son entourage proche sera plus significatif, le cadre parental restera le garant d’une sécurité affective et sociale.

Cela dit,  la formation de l’enfant s’établit en refusant le conformisme et la norme. L’adolescence correspond à ce moment ingrat où l’enfant commence à dire « je » et cherche à penser par lui-même. Avant, il croyait dire « je », mais disait en réalité « L’instituteur » ou « Papa et Maman ». Pourtant, « il arrive que l’opinion de l’expert soit niée, que la hiérarchie vrai – faux soit mise en floue par des adolescents cherchant à se démarquer », déclare Sylvie Octobre, sociologue. Comment se démarquer ? Comment devenir quelqu’un ? Nous sommes tous égaux en droit. Par conséquent, l’adolescent éprouve toutes les peines du monde à s’individualiser, à devenir lui-même en se distinguant des autres. Pour se différencier et être reconnu, il se donne alors les moyens d’être différent — et quels moyens ! Penser par soi-même, ce n’est pas penser contre tous. Pour lui, être original revient à être marginal en refusant l’autorité légitime de ceux qui savent.

Cette opposition avec l’avant aboutit souvent à une crise de la communication : « les problèmes dans la famille sont principalement d’ordre relationnel. Il y a un blocage de la communication. Le contact est rompu. Et souvent pour l’adolescent, cela s’accompagne par une crise de sens et une perte de repères », détaille Antonia Nicola, Coach praticien PNL, enseignant d’Art, également associé chez Akro Coaching. Et Caroline Storch d’ajouter : « Ces jeunes ont un problème de connexion à leur rêves et un problème de désillusion sur ce qu’ils peuvent faire dans la vie. Nôtre rôle avec les parents et de les connecter à nouveau à leurs rêves et à leurs forces. C’est d’autant plus marqué en France car le  système éducatif ne donne pas confiance. Les échecs ne sont jamais des expériences qui nous permettent d’avancer mais des erreurs que l’on pointe du doigt. »

Quand l’ado se réinvente : entre rupture et continuité

Le développement de sa sociabilité ne repose plus seulement sur les interactions qu’il entretient avec ses parents mais également sur celles qu’il construit avec ses pairs. Il s’agit pour lui de découvrir et de s’approprier les règles, les normes, les valeurs des groupes dans lesquels il vit.

L’appartenance à tel ou tel groupe n’est cependant pas aveugle. Si l’adoption des codes répond à des enjeux de survie ou de promotion du groupe, l’adolescent consent à adopter ses nouveaux codes, qu’ils soient vestimentaires, alimentaires ou langagiers parce qu’il cultive avec le groupe le sentiment de pouvoir se réaliser individuellement. Effectivement, l’adolescent ne fuit pas la normalisation donnée par ses parents pour rentrer dans un autre aveuglément. Cela dit les dérives sont légions. Pensez au film La Vague qui décrypte l’enrôlement d’une classe de jeunes lycéens autour d’idéaux fascistes…  Antonia Nicola précise qu’  « à l’adolescence, la pyramide de Maslow n’est pas la même qu’à l’âge adulte. Le besoin d’appartenance est fondamental. Et les parents doivent l’intégrer. »

L’opposition, le piège de l’autonomisation

L’alternance entre volonté de dépendance et d’indépendance n’est pas de tout repos. Car les adolescents ne le conscientisent pas toujours. Une déception hors de la famille peut enclencher un besoin fort de sécurité et de retour dans le giron parental classique. Dit autrement, la capacité des parents à rester en relation avec l’adolescent constitue une protection à l’encontre de ces risques. Et ce, sans pour autant trop le contraindre.

«L’adolescent est un musicien au milieu d’un orchestre. A lui d’interpréter le morceau comme il l’entend, avec ses talents, son émotivité, ses sensations. Mais il doit le faire dans le cadre de l’orchestre, du groupe qui lui même dépend du compositeur qui a fixé les grandes règles », explique Caroline Storch.

L’autonimisation de l’enfant passe donc par l’autorité légitime des parents qui elle fixera un cadre où toute sorte de règles pourront alors être négociées entre les parents et les enfants.  « Il ne s’agit pas de mettre en place un cadre autoritaire mais davantage de réfléchir sur un contrat avec toujours en fil rouge la question de ce qui est acceptable et de ce qui ne l’est pas », ajoute Caroline Storch. Les parents sont alors garants de ce cadre et la mise en action ne dépend que de l’adolescent. Cette même mise en action lui permettra pas à pas de gagner en confiance, moins en proie à ses doutes et prêt à assumer ses choix sans jamais reporter la faute sur quiconque.

  Geoffroy Framery

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