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L’adolescence commence plus tôt pour se terminer beaucoup plus tard. Caprice des jeunes, défaut d’éducation ou tendances sociétales ? Décryptage.
On se souvient tous de Tanguy immortalisé par Étienne Chatiliez dans sa tendre satire cinématographique de cette génération de jeunes adultes qui refusent de partir du domicile familial. Les choses ont changé en 50 ans. Stanley Hall, philosophe et psychologue, fut l’un des premiers scientifiques à conceptualiser l’adolescence en tant que période de développement de l’être humain de 14 à 24 ans. Aujourd’hui, les définitions varient. L’Organisation mondiale de la santé situe cette période de croissance entre l’enfance et l’âge adulte, entre les âges de 10 et 19 ans. Un consensus existe aujourd’hui pour faire du début de cette période phare l’arrivée de la puberté et son bouleversement hormonal. Les divergences apparaissent aujourd’hui sur le jalon précis qui marquerait la fin de cette période. L’enjeu est ardu. Car en filigrane, toute l’adolescence est vue comme un moment de préparation, d’erreurs et d’ajustements face à l’objectif de se séparer de ses parents, d’affirmer son indépendance… Et c’est en cela que la fin de l’adolescence devient de plus en plus élastique.
Fin de l’adolescence programmée à 25 ans
Le concept a également gagné en complexité avec le terme « d’adulescent », sorti de terre dans les années 1970. C’est justement pour définir cette nouvelle population de jeunes que le psychanalyste Tony Anatrella a conçu le terme, concept qui a bien 1970 mais qui s’est démocratisé davantage dans les années 1990 et 2000. Le terme désigne deux types de population avec, d’une part, des adultes qui s’identifient aux adolescents pour vivre mais aussi des jeunes qui ne parviennent pas à renoncer aux hésitations de l’adolescence pour accéder à un autre âge de la vie. C’est face à cette seconde population que se pose la question de la fin de l’adolescence. Aujourd’hui, les études tendraient à démontrer que la fin de l’adolescence interviendrait aux environs des 25 ans. C’est du moins ce qu’affirment des scientifiques dans un nouvel article qu’a publié The Lancet en janvier 2018. L’allongement de cette période s’explique par une multitude de facteurs où la qualité de l’éducation des parents n’est pas vraiment en cause. Rassurez-vous. Premier facteur, celui du discours social des dernières décennies. Le jeunisme est de rigueur. Performance professionnelle, canons de beauté, activités de loisirs… Rester jeune, ne pas grandir, et encore moins devenir adulte sont devenus une… religion.
Des études plus longues
Du point de vue sociologique, toutes les étapes jusqu’à la vie d’adulte sont repoussées, qu’il s’agisse de l’obtention d’un premier CDI, du départ du domicile parental ou encore l’arrivée du premier enfant (voire le nombre d’enfants souhaité). Cet allongement s’explique entre autres par un marché de l’emploi plus tendu et une durée d’études qui s’étire depuis les années 1990 avec 44 % d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur en 2014, contre 34 % en 1990 selon le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (cf. L’état de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en France).
Plus dur d’être adulte aujourd’hui… C’était mieux avant ?
Il ne faut pas considérer ce départ plus tardif du cocon familial sous l’angle du seul prisme du caprice et de l’immaturité. Du point de vue macro-économique, et au-delà de l’influence marketing du jeunisme, ce départ plus tardif s’explique également par la précarisation de la jeunesse. Lieu commun : les jeunes ne sont pas tous égaux sur le sujet de l’accès à l’emploi. La précarité liée à l’entrée dans la vie active est un des facteurs principaux qui expliquent cet allongement de la jeunesse ou de la post-adolescence. Cette précarité frappe de manière inégale les diplômés et les non-diplômés. Ce qui explique que la jeunesse des « post-adolescents » peu ou non diplômés, qui peinent à quitter le domicile familial et à s’insérer sur le marché du travail, est en partie subie et contrainte. Autre statistique à mettre en exergue, les Européens quitteraient les pénates familiaux aux alentours des 26 ans en moyenne.
Être Tanguy ou ne pas être. La question ne semble pas un simple caprice. Vivre chez ses parents s’explique essentiellement pour des raisons économiques, comme peut l’attester aussi le nombre croissant de trentenaires revenus au domicile familial comme effet de la crise financière de 2008. En d’autres termes, la dépendance aux parents dure plus longtemps, car elle est avant tout économique. Devient adulte qui peut. Ce qui inéluctablement retarde les responsabilités de l’âge adulte…
Jean Bacouet