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L’actuelle présentatrice de La matinale sur Canal+ reste plus que jamais associée au succès de l’émission qu’elle a créée il y a dix ans tout juste. Les Maternelles c’est « son bébé »… sa bouée de secours, aussi.

Malgré votre passage sur La matinale de Canal+, on vous associe toujours à l’émission Les Maternelles. Elle vous allait si bien… pourquoi l’avoir quittée ?

Je ne voulais pas devenir « Madame Petite enfance » de France Télévision. J’y ai vécu quelque chose de formidable, d’hyper fort avec une équipe merveilleuse… Mais il fallait que je parte. Je fais ce métier pour prendre des risques, pour tenter des choses ! Et puis… le patron de Canal+ est quelqu’un de très têtu et de très convaincant aussi…

Comment l’avez-vous vécu ?

Je peux dire que je me suis « arrachée » aux Maternelles ! Il a fallu que je m’enfuie. Cela a été quelque chose de très douloureux. Humainement, je peux même parler d’un déchirement. Je n’enlève rien à celles qui sont venues après moi, je les respecte infiniment, mais c’est mon bébé. C’est mon bébé… (Silence)

Quel est le secret du succès de cette émission ?

Nous avons inventé un concept respectueux des gens. Quelque chose d’intelligent, mais pour des gens qui ne se prennent pas la tête… Il se trouve qu’il y a eu une rencontre entre la naissance de cette émission et l’équipe qui l’a faite. Toute l’équipe a vécu des années absolument magiques. Elles nous ont tous modelés. Professionnellement, et je pense aussi humainement. Ça arrive dans tous les domaines. Et là, il y a eu la rencontre entre une équipe et un sujet.

Comment percevez-vous vos successeurs ?

Cette émission est faite pour être vivante ! Il faut que ce soit des gens différents qui la présentent. Des personnes qui arrivent avec d’autres envies. Quoi qu’il arrive, le sujet des Maternelles est plus fort que celui qui le présente !

Pensez-vous que l’on puisse parler d’un véritable phénomène Les Maternelles ?

Je n’enlève rien à notre mérite et je porte très haut Les Maternelles. Mais très honnêtement, cette émission est une référence dans un monde où il n’y avait que nous ! (Rires). Ce n’était quand même pas très difficile ! Les Maternelles ont plus été une réussite de prestige que d’audience. En outre, tous les gens qui ont fait des études sur le genre, tous les médecins qui travaillaient en néonatologie, en maternité, les grands professeurs etc. sont des personnes qui n’avaient aucune tribune nulle part ! Le sujet que nous avons décidé de traiter était tout de même totalement inexploité. Pourtant, tout le monde a eu des enfants ou a vocation a devenir parent un jour… Si l’émission ne dure pas plus longtemps que Des Chiffres et des Lettres… je veux bien me couper les oreilles !

Les Maternelles ont-elles fait de vous une meilleure mère ?

La personne qui m’a aidée à devenir mère, c’est mon fils aîné. Celui qui m’a fait devenir une « meilleure » mère, c’est le père de mon deuxième fils… j’ai élevé seule mon enfant. Les Maternelles ont été bien plus qu’une bouée de secours… L’émission a été une bouée de détresse ! J’avais enfin des gens à qui parler de mon enfant ! Parler à un mur de son môme quand on se pose des questions, c’est très violent !

Quelles questions vous posiez-vous alors ?

Par exemple, je n’ai jamais joué avec mes enfants. Me mettre à quatre pattes et pousser des petites voitures… rien que de le dire, je transpire ! Ça me terrorise ! Je me liquéfie… Je prenais la tête à tout le monde en disant : « Je ne joue pas avec mon fils, c’est grave ? » Dès la première saison des Maternelles, j’ai compris qu’il n’y avait pas de recettes. On a les enfants qu’on a, on est qui on est avec notre passé, avec ce qu’on est capable de donner, de recevoir, de faire… et c’est tout ! Je revendique le fait d’avoir été une mère totalement imparfaite, certainement abusive et à côté de la plaque… Mais mes enfants, je les aime et je suis là pour eux. Si l’un de mes enfants vient me voir un jour en me reprochant ceci ou cela, je lui répondrai : « La porte est là, sors ! Quand tu auras fait mieux on en  reparlera… ». Il y a des choses dont je peux être désolée ou que je peux amèrement regretter… mais j’ai fait ce que je pouvais. C’est fou comme ceux qui sont présents ont tort et comme les absents sont glorieux… Moi, j’étais là ! Il n’y a pas de jugement, pas de haine, mais j’étais là !

Il vous arrive, parfois, de demander pardon à vos enfants ?
Je n’ai aucun problème pour aller voir mes enfants en disant : « Mon chéri, j’ai eu tort ! S’il te plaît, accepte mes excuses… ». A partir du jour où vous vous dites que vous pouvez demander pardon, c’est fou comme cela vous dédouane ! Vous pouvez faire toutes les conneries possibles et imaginables… Personnellement, je m’excuse beaucoup ! (Rires)

Qu’est-ce qui a changé avec la présence d’un père pour vos enfants ?

Tout. Au cas où quelques hommes liraient votre magazine, je tiens à dire que les pères sont utiles, voire nécessaires. Toutes les mères célibataires peuvent en témoigner ! Il faut savoir élever un enfant à deux. Je découvre cela à quarante ans, c’est très tard !

Une émission sur l’art d’être parent ne risque-t-elle pas d’angoisser plutôt que d’apaiser ?

Ce n’est pas grave. J’ai dû dire cela un milliard de fois au point que c’est devenu une musique dans ma tête. J’ai fait des choses terribles, mais ce n’est pas grave (Rires). En revanche, ce qui est grave, c’est de ne pas s’en rendre compte, de ne pas se le dire, de ne pas se l’avouer. Evidemment que l’on se trompe, que l’on blesse, que l’on fait de la peine, que l’on humilie… on fait des choses très violentes même, parfois ! Si l’on fait un peu d’introspection, on trouve tous des moments où nos parents ont été vraiment durs… Mais les conflits en famille ne naissent que quand ils n’ont pas voulu le reconnaître.

Un parent averti est-il meilleur que les autres ?

Non, mais il est averti. C’est toute la différence entre la connaissance et l’ignorance. On n’est pas meilleur, on est averti ! Peut-être cela permet-il parfois un peu plus de recul et de détachement… Quand on sait qu’on va avoir affaire à tel comportement, c’est mieux. Ça vous exaspère parfois de lire certaines choses, parce qu’elles correspondent à votre vie à ce moment précis. En même temps, peut-être que cela peut donner un peu de recul, ce qui n’est pas inutile !

Vous aimeriez, un jour, revenir sur ce sujet dans le cadre d’une émission ?

Ah non ! Ça va, j’ai donné… En fait, c’est lourd. J’ai porté beaucoup de choses… Les gens vous racontent leurs problèmes de famille, d’éducation… Vous touchez la misère humaine et c’est trop dur ! La famille est le creuset de toutes les souffrances. Elle peut aussi être le creuset de toutes les joies, mais c’est plus rare…

Quels sont les vrais défis auxquels vous êtes confrontée avec vos enfants ?

Le climat social est très difficile. Mes enfants sont gâtés… J’aimerais qu’ils aient conscience de leur chance. Je trouve compliqué de les porter à s’ouvrir à l’autre, à la différence de classe sociale, que celle-ci soit moins élevée… ou plus élevée d’ailleurs ! On vit dans un monde où chacun est refermé sur lui et éduqué dans la peur de l’autre. Notre société est injuste, elle fonctionne à deux, voire à trois vitesses. On le sait très bien, mais on souhaite tous profiter des avantages que l’on a, ce qui est humain après tout. Personnellement, je suis ravie que mes enfants partent en colonie de vacances chaque été. Je sais aussi que le fait de leur dire « Vous avez de la chance » ne leur fera pas plus partager cela avec le reste du monde. Je ne peux pas leur en vouloir de ne pas me dire : « Tu sais, je ne vais pas y aller, t’as qu’à donner l’argent au Secours populaire… » En plus, s’ils me disaient cela, je répondrais: « T’es trop gentil mon chéri… mais il n’en est pas question ! » Mon vrai problème est qu’ils n’ont pas d’amis qui vont en vacances grâce au Secours populaire. Ça, c’est un vrai problème pour moi ! Une vraie question à laquelle je n’ai pas de réponse…

En un mot, quelle mère êtes-vous devenue, aujourd’hui ?

Je suis une mère redoutable. Je suis « la » mère. C’est monstrueux… c’est tentaculaire, c’est omniprésent… Je ne sais pas comment font mes enfants pour respirer ! Ils ont du mérite (Rires) ! D’ailleurs, je vais aller leur « lécher la pomme . Il faut que j’aille les voir, je suis en manque !»

Propos recueillis par Marie BERNARD

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