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« La hooooonnnnnte ! »
Pendant l’adolescence la honte vis-à-vis des parents est un sentiment fréquent, voire « normal ». Mais une exagération impose parfois une réaction…
«Dépose-moi avant l’entrée du collège s’il te plaît… » Quel parent n’a pas crispé ses mains sur le volant du Renault Espace en entendant cette phrase couperet ? Il faut alors comprendre que le temps de la petite enfance, où la mère et le père sont des super-héros protecteurs et dignes d’admiration, est bel et bien révolu. À la préadolescence, ou adolescence selon le degré d’évolution du jeune, les parents sont toujours trop (extravertis, gentils, ringards, sévères…) ou pas assez (ouverts, cools, attentionnés…), et ce dernier est prêt à toutes les manœuvres pour qu’ils ne croisent pas ses amis. L’obsession du qu’en-dira-t-on devient prégnante. « Tu ne vas pas sortir habillée comme ça ? » s’entend un jour dire par sa fille de 16 ans Constance, 48 ans, directrice de communication d’une société d’assurance. « Je viens encore d’être « relookée » avant la réunion de parents d’élèves », avoue cette quadragénaire parisienne divorcée, abasourdie par cette ingérence dans sa garde-robe. Certes parfois l’attitude des parents se révèle inadaptée. « Ils peuvent être trop envahissants, proches ou au contraire sévères et éloignés. Leurs comportements sociaux peuvent sembler trop atypiques, ce qui peut gêner le jeune. Mais la plupart du temps il y a exagération », affirme Patrick Ange Raoult, psychologue clinicien, maître de conférences à l’université Grenoble I – Chambéry ¹.
Situation plus que courante
La honte vient évidemment par le regard des autres. À l’adolescence, l’image sociale renvoyée est primordiale et le jeune a toujours peur de ne pas être à la hauteur. Les exemples abondent. Gérald a 39 ans et subit les foudres de son fils aîné de 15 ans très conformiste. « Il n’a pas supporté la fois où j’ai dansé sur Beyoncé lors d’une fête familiale. J’ai droit à des reproches toutes les semaines depuis un an », se désole ce père de trois enfants, marié et chef d’entreprise à Montpellier. Des valeurs sont transmises, et l’adolescent est toujours dans le questionnement : sont-elles bonnes ? « Ma fille est très méchante, trouve que je suis vieille, et me rappelle sans cesse que la mère de son amie est cool », déplore Yasmina, 51 ans, mère au foyer d’une ado de 16 ans à Marseille. N’y a-t-il pas mieux ailleurs, chez le voisin, le copain, la société dans son ensemble ? « Il est d’ailleurs assez troublant de décrypter cette honte dans les foyers immigrés transmise parfois au travers des générations », remarque la psychothérapeute Maureen Boigen. Le sentiment de vivre l’effraction sous le regard de l’autre, d’être dénudé et de se retrouver alors exclu de la communauté envahit le sujet et le clive de lui-même. La honte se mêle alors d’humiliation. La distinction entre espace public et espace privé se trouve réduite, voire détruite. La honte induit un mal-être, des inhibitions ou phobies. Elle peut conduire à des conduites transgressives, excessives ou provocatrices. « Ma fille aînée ne peut supporter notre situation financière : je l’ai mise dans un lycée lyonnais huppé, et elle refuse d’inviter des amis à la maison, ne voulant pas dévoiler notre petit appartement », raconte dépitée Sarah, 35 ans, infirmière mère de trois filles.
Une ambivalence constante
Le détachement des figures parentales est pourtant nécessaire. « La mère et le père ne doivent plus à un moment donné être à la hauteur des attentes. L’adolescent a besoin de cette « désidéalisation » pour s’affirmer, aussi glorieux soient ses parents », explique Patrick Ange Raoult. Ultrasensible, l’adolescent se débat pour s’approprier un nouveau corps et souffre d’un manque d’assurance chronique concernant sa sexualité comme sa relation avec son entourage. Il est débordé par des pulsions internes, une impatience qu’il ne contrôle pas et cherche à s’affirmer en désavouant ses parents, souvent maladroitement. « Il adopte bien souvent un sentiment défensif, manifestant de l’agressivité ou de la violence, se repliant sur lui-même, se cachant », décrit Maureen Boigen. Le jeune a besoin de prouver son autonomie, surtout devant ses pairs. Voilà pourquoi il déteste par-dessus tout les réprimandes… comme les câlins ! « De tout temps il a structurellement eu besoin de mettre en place une différenciation des générations dans son esprit, et le sentiment de honte y participe », note Patrick Ange Raoult. Mais paradoxalement il accorde de l’attention à l’image de ses parents. Différenciation et détachement, mais besoin que ses proches soient reconnus socialement. À travers l’image de sa mère, c’est lui qui se sent atteint. Il ne supporte pas l’idée d’appartenir à un clan de « nuls ». Vous avez dit ambivalence ? Pour lui la mère idéale serait quelqu’un de neutre et discret : ni trop grand-mère, ni trop branchée. Si elle est appréciée des copains, tant mieux, à condition qu’elle ne cherche pas à lui voler la vedette. « L’ado ne veut surtout pas d’une mère trop visible. Si elle est trop sociable, il se sent nié. D’un autre côté, l’ado veut tout sauf une mère ringarde, dévalorisée socialement, qui risque de nuire à sa propre image », nuance Patrick Ange Raoult. Bien difficile pour les adultes de comprendre que leur progéniture cherche à se relier à sa famille, tout en partant en quête de groupes d’affiliation, qui lui imposent des rites de passage. « Le jeune se trouve d’emblée considéré par rapport à son nom de famille qui est bien souvent porteur d’une histoire. Le milieu d’où il vient importe beaucoup. Que font ses parents ? Qui sont-ils ? », décrit Maureen Boigen. Il tente donc de s’intégrer tout en protégeant l’image de sa famille. Inutile de préciser que la période est sensible et sujette à moult confrontations.
Quelques réactions de base à adopter
Sachant que leur fille ou fils traverse une crise d’identité et d’appartenance, mère et père seraient donc bien inspirés de ne pas prendre ces réactions épidermiques au pied de la lettre et de se laisser emporter par les émotions. « Il n’y a pas lieu de se sentir blessé, il faut simplement accepter son âge et éviter toute concurrence imaginaire avec son enfant – ce que beaucoup de parents qui refusent de vieillir ont du mal à faire. Le mieux est d’en rire », déclare Maureen Boigen, qui ajoute toutefois qu’il est aussi parfois nécessaire de se remettre en question : « Les ados ont une capacité d’observation très fine des parents et des dysfonctionnements familiaux. Leurs critiques peuvent être justes, même si la forme n’est pas des plus délicates… ». Il ne faudrait en tout cas pas le vivre comme un rejet affectif, « car c’est aussi l’indépendance qui est en jeu. L’adolescent refuse de se faire accompagner pour mieux s’affirmer aussi », illustre Patrick Ange Raoult, qui pense même qu’« une réaction détachée rassurera l’adolescent ». Car bien souvent cette honte n’est pas explicitement évoquée. « Il est très positif de nommer ce sentiment, ce qui est rarement fait au sein des familles. L’ado a souvent honte d’avoir honte », ponctue Maureen Boigen. Dès lors, le recours à un professionnel est-il superflu ? Tout dépend du niveau des symptômes et de la manière avec laquelle ce sentiment de honte est géré. « N’oublions pas que l’enfant est le miroir de notre propre histoire. Il importe de se poser la question : qu’est ce qui fait écho chez lui ? Soit les parents peuvent se positionner comme des êtres responsables et le recadrer, soit ils réagissent par rapport à leur propre histoire. Cette deuxième réponse est malheureusement la plus fréquente mais aussi la plus délicate, car elle est dénuée de rationalité. Les punitions et l’agressivité sont de mise. Dans ce cas mieux vaut recourir à une thérapie familiale, où les parents apprennent à dépasser leur histoire et à adopter un autre positionnement », précise Maureen Boigen, spécialisée dans les thérapies transgénérationnelles. Parfois cette étape dans l’évolution du jeune prend des tournures trop graves et il devient nécessaire de mettre à jour un certain héritage, une part obscure tue dans la famille. « Un secret qui peut concerner la sexualité ou la mort (filiation, abus sexuels…), qui n’a pas été transmis explicitement aux descendants mais que ceux-ci ont ressenti et intégré. Il ne faut pas oublier que les enfants sont aussi porteurs de transmissions non verbalisées. » En clair le jeune ressent la honte que ses parents ressentent, et réagit de manière décuplée pendant l’adolescence. Un cas de figure cependant assez marginal.
¹ La honte à l’adolescence, codirecteurs Patrick Ange Raoult et Laurent Labrune, 2014.
Julien Tarby
Ma fille a 16 ans, elle est adorable. Elle adore quand je la dépose devant l’école, c’est plutôt moi qui n’ai pas le temps. Elle se fiche complètement des autres et de leurs avis, elle a une grande confiance en elle mais tout en restant très gentille avec tout le monde. Elle ne blesse personne, n’insulte personne, elle obéit depuis toujours.. Très souvent les gens, même des médecins spécialistes parfois disent que ce n’est pas « normal » or moi je pense que pour eux la normalité devient anormale et vice versa, et ils disent aussi que les enfants comme le mien ne seront pas responsables ou je ne sais quoi dans la société (mon fils à 19 ans et il l’est tout à fait, et il avait le même comportement que sa sœur, ce qui n’a pas changé). Je ne suis pas du tout d’accord car comme je l’ai dit elle est adorable et me dit tout, elle n’a aucun problème elle est très heureuse et se dit toujours qu’elle a de la chance d’avoir tout ce qu’elle a, elle fait preuve d’une grande maturité mais vit son enfance au maximum. Elle ne demande pas de cadeau à Noël, pas grand chose sinon, mais elle adore faire des sorties en famille. Par contre elle le dit clairement quand quelque chose ne va pas, elle n’est pas refermée sur elle même ou quoi que ce soit d' »anormal ». Elle travaille très bien à l’école. Dans mon éducation par exemple ça a toujours été comme ça, les choses ont changé avec les époques je suppose. Moi je la respecte énormément et n’attends rien d’elle, je veux par contre qu’elle travaille bien sûr pour son avenir et qu’elle devienne une bonne personne. Après je parle du cas de ma fille, la plupart des enfants sont sans doute comme décrits dans l’article c’est sûr, mais je pense qu’il y aussi une part d’éducation des parents. En tout cas voilà ce qui s’est passé avec ma fille, sachant qu’avec mon fils de 19 ans c’était la même chose et qu’il n’a pas changé depuis. Toujours très serviable, gentil et obéissant.
Bonjour
Attention votre fille a peut-être une adolescence tardive. Elle n’a pas débuté peut être.