La concentration, denrée rare mais déterminante pour l’ado ?

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Comment faire pour lutter contre les effets néfastes des écrans sans pour autant vivre dans une grotte ? Réponse d’experts en coaching, sophrologie et psychologie des enfants et adolescents.

L’attention a ses limites. Naturellement, elle va être attirée par ce qui est nouveau, ce qui brille, ce que les autres regardent… Tout comme nous allons naturellement nous désintéresser de tout ce qui devient répétitif ou qui évoque du déjà-vu. Les scientifiques dissocient notre attention en deux systèmes complémentaires : un système de veille exogène qualifié également de pré-attentif qui analyse notre environnement de façon inconsciente. Et l’attention endogène, dite sélective, qui filtre les informations. Chez l’enfant et l’ado, le problème d’attention se pose en termes de sollicitations de chaque système. Les écrans hypertrophient le système exogène au détriment de l’attention endogène, requise pour les apprentissages… Nombreux sont les spécialistes à tirer la sonnette d’alarme et à établir surtout une corrélation entre-temps d’exposition aux écrans et déficit de l’attention. En 2007 déjà, la revue Pediatrics soulevait qu’une heure par jour de dessins animés augmenterait de 75 % la probabilité de voir surgir un trouble de l’attention. Même son de cloche pour une recherche néo-zélandaise qui a conclu que chaque heure passée devant un écran augmenterait d’environ 50 % la probabilité de troubles de l’attention…

Tous des zappeurs

Depuis 2015, nous avons appris que nous possédions, smartphone à la main, une capacité de concentration inférieure à celle d’un poisson rouge selon une étude menée au Canada par Microsoft… Huit secondes contre neuf pour notre ami d’eau douce et 12 secondes pour l’homme au début des années 2000. Cette capacité d’attention moindre serait compensée par une capacité d’analyse très rapide qui nous permettrait de nous désintéresser plus rapidement des sujets de moindre importance. Les pics de « concentration intense » seraient toujours possibles lorsque l’on tombe sur quelque chose qui nécessite plus d’investissement cérébral. Mais les pratiques traduisent une hyper-connexion souvent néfaste. Dans cette étude Microsoft, 79 % des personnes interrogées utilisent leur portable tout en regardant la télévision, et les 18-24 ans reconnaissent à 77 % que prendre leur smartphone est le premier réflexe quand ils s’ennuient…

Cela dit, le manque d’attention lui serait réversible. La recette est simple : délaisser les écrans…

Charlotte Fortuit, sophrologue et coach scolaire pour ados précise que la perte d’attention, sans pour autant la considérer de façon pathologique, « représente le deuxième motif de visite des parents accompagnés de leur ado après la gestion du stress. En fonction de l’entretien avec l’adolescent et les parents, il faut établir un bilan clair et surtout ne pas se baser sur du ressenti. Il faut circonscrire l’étendue du problème de l’inattention pour justement comprendre si ce manque est pathologique, comme le sont les troubles du déficit de l’attention voire l’hyperactivité ».

Les signaux sont souvent les mêmes et les plus simples. Ce qui alerte, c’est le mot du professeur qui désigne votre enfant comme étant dans la lune. Plus largement, il s’agit du manque de concentration à l’école. « Il faut ensuite se demander si c’est le cas dans la vie de tous les jours, si l’adolescent est également incapable de se concentrer pendant ses loisirs, lors d’une partie de jeu vidéo ou d’une discussion avec des amis. Car l’attention est de fait sélective. Et au moment de l’adolescence, la structure du cerveau n’est pas finie. Elle est encore sujette à des transformations d’ordre psychique ou cognitif. L’adolescent s’observe beaucoup dans ses changements et cela prend du temps, de l’énergie et de l’attention », explique Charlotte Fortuit. Si on détecte chez l’enfant une capacité de concentration quelle que soit l’activité, on se dit alors qu’on peut intervenir sur ce type de déficit. Il faut avant tout être vigilant sur plusieurs choses : s’assurer d’une bonne hygiène de vie, avec un sommeil de qualité et une bonne alimentation.

Méthodes aux résultats probants

« Dans le cadre du coaching scolaire, nous mettons en place un journal de bord pour identifier les « mangeurs d’attention », introduit la coach pour adolescents. En d’autres termes, l’adolescent doit alors observer dans son quotidien les écrans, les jeux vidéo, les problèmes personnels, scolaires, familiaux, amicaux ; et ensuite, justement quantifier tout le temps qu’ils absorbent. Cette première phase permet ensuite de mettre en place des actions conjointement décidées. Par exemple décider avec les parents et l’ado d’un quota de connexion et convenir de se connecter deux heures de moins sur Facebook. Il faut absolument mettre en œuvre des actions concrètes validées ensemble par toutes les parties prenantes », explique Charlotte Fortuit.

L’utilisation de la sophrologie accouche également de résultats positifs. Des exercices tels que ceux de la visualisation mentale permettent un entraînement accessible pour aider à la concentration.

« La concentration se travaille comme un exercice physique. C’est pourquoi je mets en place des exercices basés sur la respiration : il s’agit de se concentrer uniquement sur cette dernière d’abord une minute et aller parfois jusqu’à cinq minutes. Cela permet à l’enfant d’apprendre à se recentrer si des pensées viennent parasiter l’exercice : c’est travailler sur la capacité à se recentrer rapidement. Autrement, il est possible d’entraîner l’ado sur les représentations mentales. Des exercices simples tel que le fait de visualiser une image, un lieu, un tableau et de les restituer », explique Charlotte Fortuit. Pour la sophrologue, les effets de ces exercices sont perceptibles à moyen terme. En général, c’est un travail qui s’étale sur 10 à 15 séances soit une période de quatre à cinq mois. C’est une manière de travailler que pratiquent de nombreux sophrologues. Mais tout dépend évidemment des besoins de l’enfant. Certains auront besoin de travailler sur leur environnement et sur leur hygiène de vie en parallèle de ces exercices de concentration.

Enseignement et déconcentration, deux notions qui vont de pair ?

« On ne saurait faire boire un âne s’il n’a pas soif. » Adage que partage Alexandra Evrard, fondatrice de Vocatio, enseigne de services éducatifs à destination des enfants, adolescents et jeunes adultes et de leurs parents, implantée à Lille, qui propose notamment du coaching aux adolescents. : « La concentration découle de la motivation intrinsèque de la personne. Si l’adolescent n’a que faire de Napoléon ou des équations bilans en physique-chimie, c’est peine perdue de chercher à le garder concentré sur ce contenu. De fait, l’adolescent ne choisit pas ses contenus d’enseignement car les programmes scolaires sont dictés. Notre système impose les idées, et saucissonne les apprentissages. Quand on est en scolarisation classique, l’adolescent n’a pas le temps d’explorer ce qui le passionne et subit les apprentissages, ce qui est bien souvent un facteur essentiel de la déconcentration. »

La concentration est également question de curiosité. C’est pourquoi Alexandra Evrard incite sur cette rééducation de l’enfant en le faisant passer du stade de l’apprentissage passif à celui de l’éveil, de la curiosité qui peuvent parfois mener à l’autodidaxie. « La curiosité est une appétence naturelle J’accompagne des enfants trop conditionnés à être passifs. Je les pousse à l’action et aux projets », note la spécialiste du coaching pour adolescents. L’idée est également en parallèle que l’adolescent se construise petit à petit une autodiscipline. « En soi, cela est loin d’être agréable mais il faut que l’adolescent soit capable de « timer » sa concentration. Se mettre une limite de temps permet bien souvent de rester bien plus concentré que de travailler en se disant qu’on a toute la soirée pour le faire… », précise Alexandra Evrard.

Autre astuce également pour aider à la concentration : le jeu. La gamification de l’éducation, même si elle consiste en une ruse pédagogique, permet de mettre en place un contexte stimulant. « Le jeu est la façon naturelle d’apprendre pour l’humain. C’est un mode qui permet la persévérance et la gratification. Le programme Navadra lancé en 2017 est une plateforme gamifiée, un véritable jeu vidéo qui respecte les programmes de mathématiques et rencontre un véritable succès », illustre la fondatrice de Vocatio.

Enfin, s’il semble impossible de laisser les écrans éteints en permanence, de nouveaux moyens émergent. Certains petits malins de l’IT ont d’ailleurs compris que s’isoler dans une cave n’était pas la meilleure façon de faire. Votre enfant est accro. Proposez-lui dès lors d’utiliser une application qui aide à la concentration ou qui ouvre la voie à une « digital détox » en douceur : Noisli 2.0, Brain Fm, Noizio, HeadSpace 2.0, Freedom, Hocus Focus, Forest.

Pensez enfin qu’il importe d’enseigner à vos enfants à être à l’aise dans toutes les situations, y compris dans un environnement plus neutre, moins stimulant, afin qu’ils ne se retrouvent pas désorientés. Il ne vous reste plus qu’à programmer vos vacances dans le Larzac.

Geoffroy Framery

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