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19 septembre 2019, le gouvernement installe une commission d’experts présidée par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik. Mission : améliorer l’accompagnement des « 1 000 premiers jours de l’enfant ». De quoi s’agit-il ? Explication avec la Fondation Apprentis d’Auteuil.
Apprentis d’Auteuil, cette fondation catholique créée en 1866 par l’abbé Roussel, reconnue d’utilité publique, accompagne près de 25 000 jeunes en difficulté à travers des programmes d’accueil, d’éducation, de formation et d’insertion. Les Apprentis d’Auteuil redonnent aux jeunes et aux familles en difficulté ce qui leur manque le plus, la confiance. La fondation s’est engagée autour de quatre missions : la protection de l’enfance, la lutte contre l’échec scolaire, l’insertion professionnelle et l’accompagnement à la parentalité.
C’est sur ce sujet, la parentalité, qu’a voulu s’exprimer Valérie Moulinier, déléguée générale d’Auteuil petite enfance, filiale d’Apprentis d’Auteuil, alors que le gouvernement souhaite intervenir sur les 1 000 premiers jours de l’enfant. La déléguée générale d’Auteuil petite enfance, qui accueille chaque année plus de 1 000 enfants dans 15 crèches situées pour plus de la moitié dans des quartiers prioritaires ou à proximité est on ne peut plus légitime pour expliquer aux parents le nouveau projet du gouvernement et ses enjeux ! Les équipes de professionnels d’Auteuil petite enfance accompagnent les parents dans l’exercice de leurs responsabilités éducatives et facilitent leur insertion sociale et professionnelle.
Pourquoi, selon vous, est-il nécessaire de réformer les politiques publiques d’accompagnement à la parentalité en France ?
Le système actuel de mode de garde des tout-petits ne tient pas compte de la singularité des situations des familles et ne répond donc pas aux besoins de tous les parents. Impossible de proposer, dans de bonnes conditions, un accueil de qualité optimal pour l’enfant et ses parents.
Les structures d’Auteuil petite enfance sont ouvertes à toutes les familles, que les parents soient ou non en emploi, qu’ils aient besoin d’un accueil à temps plein, partiel ou occasionnel, ou selon des horaires atypiques. Cet accueil inconditionnel exige une adaptation de la prise en charge des tout-petits par nos professionnels, une grande adaptation et souplesse en termes de fonctionnement, d’organisation et de pratiques. Outre l’accueil des enfants qui est le cœur de notre action, nous accompagnons également les parents dans leur rôle éducatif, dans leurs questionnements ou difficultés.
C’est pourquoi le lancement de cette commission dans le cadre du chantier « 1 000 jours » est à mon sens une nouvelle encourageante et montre que le sujet figure parmi les préoccupations des pouvoirs publics. Cette période dite des « 1 000 premiers jours » est cruciale pour l’éveil et le développement du tout-petit. D’où l’importance, nous en sommes convaincus d’accompagner au mieux l’enfant dans sa globalité, avec sa famille, lors de ce moment important, et je dirais bien au-delà des 1 000 jours.
Il faut que les 1 000 premiers jours soient les plus constructifs et structurants pour l’enfant
En quoi ces fameux 1 000 premiers jours de l’enfant sont-ils essentiels au développement de l’enfant ?
Les dernières études ont démontré que la mémoire et le développement affectif, intellectuel et moteur de l’enfant sont fonctionnels dès le plus jeune âge. Le cerveau de l’enfant est une éponge, il enregistre tout. C’est pourquoi il est primordial d’accompagner le plus tôt possible les enfants dans leur développement, de répondre à leurs besoins élémentaires en accompagnant également leurs parents. Il faut que ces 1 000 premiers jours soient les plus constructifs et structurants pour l’enfant.
Comment organisez-vous l’accompagnement de la parentalité ?
Les parents sont au cœur du projet d’Apprentis d’Auteuil, le soutien à la parentalité reste l’un de nos quatre domaines d’intervention prioritaires. Au sein des dispositifs de la fondation, dans nos crèches mais aussi au sein de nos Maisons des familles, centres maternels, résidences sociales, accueil de jour, nous accompagnons chaque année 6 000 familles.
L’accompagnement à la parentalité s’inscrit naturellement dans les crèches. Les parents fréquentent les lieux, non parce qu’ils rencontrent un « problème », mais parce qu’ils recherchent un mode de garde pour leur enfant. Ce qui constitue une belle porte d’entrée et de rencontre, facilitée.
Les professionnels d’Auteuil petite enfance prennent particulièrement soin de créer un climat d’accueil propice à la confiance mutuelle, à l’échange et au dialogue avec les parents. Cet accompagnement à la parentalité prend des formes diverses, il s’adapte toujours aux besoins spécifiques et particuliers de chacun. Nous organisons par exemple des temps d’échanges – ateliers parents-enfants, cafés parents… – et des moments festifs entre familles pour qu’elles puissent parler librement de leurs difficultés, sortir de leur isolement et encourager à une dynamique de partage et d’entraide entre les parents et les professionnels.
Nous facilitons également l’insertion sociale et professionnelle des parents en lien avec de nombreux partenaires dont Pôle emploi. Les parents, une fois leur enfant gardé, auront le temps de se former, de rechercher un emploi, de passer des entretiens et (re) trouver un emploi.
Et pour le bien-être des tout-petits ?
Notre mission centrale est bien entendu de prendre soin des tout-petits et de satisfaire leurs besoins primaires. Les équipes d’Auteuil petite enfance accompagnent la socialisation des enfants dans un cadre sécurisant et bienveillant, à devenir autonomes et développer des capacités psychomotrices et de langages. Des moments d’exploration, d’éveil et de jeux libres sont proposés aux jeunes enfants tout le long de la journée. Les soins enrichis sont aussi des moments primordiaux (change, lavage des mains, repas, sieste). Ils sont l’occasion de créer une relation personnalisée, du dialogue et un lien de confiance entre l’enfant et le professionnel. En verbalisant ce qu’il fait, ce professionnel apporte des mots à l’enfant et développe son langage. Les équipes travaillent en collaboration avec des médecins et des psychologues, qui interviennent au sein de l’établissement pour faire de la prévention au « bien manger » et au « bien soigner ».
Que va changer ce chantier « 1 000 premiers jours » pour vous ?
Nous espérons, à l’issue des travaux de la commission, des politiques publiques de la petite enfance et de la parentalité plus inclusives, avec une meilleure prise en compte de tous les publics, notamment des parents en situation de fragilité.
Notre pratique quotidienne nous montre qu’il est essentiel d’agir au plus tôt, sur cette première période d’éveil, pour réduire les inégalités face à l’apprentissage. Nous sommes convaincus que pour y parvenir il faut changer de logique et passer du « mode de garde » en crèche au « mode d’accompagnement » des enfants et de leurs parents.
Anna Guiborat