Bulles musicales en crèche : elles ont amélioré le QI des mômes !

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Stimuler les mômes, on en connaît les avantages et les abus. Mais pourquoi ne pas profiter de l’exceptionnelle ouverture à la musique et aux sons des tout-petits pour ouvrir leur jeune cerveau ? Non pour en faire des virtuoses, mais tout simplement des gamin/es épanoui/es qui, plus tard, apprendront les langues bien plus facilement – y compris le français – dans une appétence pour la socialisation ? C’est tout l’enjeu de la « bulle musicale » de Claudia Kespy-Yahi.

Cette cadre sup’ austro-méditerranéenne qui sillonnait le monde pour des groupes textiles doit un jour confier ses fragiles enfants aux crèches de son quartier. Mince ! Elle découvre un univers de puéricultrices, auxiliaires, professionnelles de la petite enfance, obsédées par l’hygiène et la sécurité, mais peu formées à la stimulation ludique des mômes, comme en Allemagne ou aux États-Unis. Claudia Kespy-Yahi se lance alors de façon empirique dans une stimulation musicale en crèche, associée à des images, que ses lectures et recherches lui montrent propices à l’« ouverture de l’oreille » des petits Français/es que l’on sait assez limité/es en bande de fréquence. Elle « invente » ses « Bulles musicales », sortes de huttes/igloos sonorisé/es, puis ouvre sa propre crèche, en 2006, sous l’égide de sa société, Cap enfants, « réseau d’accueil de crèches pour enfants à destination des entreprises et collectivités », soutenu dès l’origine par des structures internationales, Europe Assistance et Chèque-Déjeuner. Son « terroir de la diversité culturelle » commence à Gennevilliers. Au fil des années, elle ne dérogera pas à cette volonté de choisir « des bassins d’éducation prioritaire où les petits CSP + côtoient des parents au RSA et des familles de condition modeste » : d’Argenteuil à Cergy-Saint-Christophe, en passant par Massy-Palaiseau, Cap enfants accueille quelque 400 petits bouts par semaine dans des crèches de 10 à 80 berceaux.

Quatorze ans – et sept crèches – ont passé : sur l’échelle d’intelligence des subtests de Wechsler*, les petits des crèches immergés dans les bulles musicales de Claudia se révèlent au-dessus de la médiane ! Que s’est-il donc passé ?

La musique est universelle

Il s’est passé que notre Franco-Autrichienne a vu du pays. L’internationalisation de ses jobs l’a plongée dans des cultures, des langues, des sons, des musiques. Voilà Claudia Kespy-Yahi sensibilisée à la différence, à la tolérance. Une évidence pour elle : la musique est universelle. Elle en fait le thème du MBA qu’elle conclut avec succès par un mémoire de fin d’étude consacré à cette universalité musicale. Frottée aux lectures du phoniatre Tomatis, convaincue par la méthode de la découverte façon Montessori, Freinet, musicologue, joueuse en amatrice de la flûte traversière, elle sait que l’ouïe pilote bien d’autres sens, de la vue au toucher. Elle sait qu’un an après sa naissance, l’enfant pourrait restituer toutes les langues, qu’il entend et reproduit les accents. Mais le timbre de sa langue maternelle va le fermer peu à peu à la diaspora de la tour de Babel. Or, in utero, l’être « entend » dès la 5e semaine, réagit aux sons, aux rythmes.
C’est ainsi que s’impose, pour la pédagogue empirique, le principe de cette « bulle musicale », simple petit refuge dans un coin de la crèche où les enfants ravis de l’aubaine écoutent – musiques, sons, phrases… – regardent, associent, ravis. La petite structure de bois des débuts, malcommode, a évolué vers une « tente » en résine style Lego, en matériaux recyclés, facilement clipsée. Qu’y entend-on, voit-on ?

Les preuves scientifiques

Dans cet « igloo » coloré de 9 m2, les enfants entrent librement (pas de porte) dans une « bulle » – conçue pour accueillir jusqu’à une douzaine de petits qui y ressentent une impression de cocon, de repos, d’endroit privilégié – aux merveilles sonores : ils/elles y entendent des animaux, des thèmes musicaux, des comptines, des ambiances sonores, des gens qui parlent un peu toutes les langues. En tout plus de 50 « sons » que soulignent des images statiques (c’est important) sur un écran. Le rugissement du lion, par exemple, s’associe bien sûr à l’image du fauve. Mais si une trompette claironne quand surgit un guépard, le jeune spectateur acteur va se raconter l’histoire de ces rencontres entrecroisées, sous la conduite de deux ou trois adultes. En interaction avec les autres. L’écoute et l’échange vous forgent un cerveau ouvert. Les parents en témoignent par des retours spontanés : « il/elle s’épanouit… »

Mais des parents convaincus et des bambins épanouis ne suffisent pas à ériger une approche intuitive en méthode pédagogique scientifiquement établie. Claudia Kespy-Yahi, au fil des années, a mené avec l’Inserm** une « recherche action » sur les enfants scolarisés qui ont baigné dans les « bulles musicales » de son invention. C’est ici qu’interviennent les subtests de David Wechsler, psychologue américain décédé en 1981. Ses tests d’intelligence sont les plus utilisés dans le monde entier. Au terme du suivi de l’Inserm, les « enfants de Claudia » (de 1 à 6 ans) qui furent plongés dans les bulles le temps de leur passage en crèche montrent un écart de 7 points supérieur à la moyenne 10. Autrement dit, les ados testés (ils/elles ont alors 14 à 19 ans) révèlent un QI façon Wechsler d’un écart-type de 3 ou 4 points. Apparemment, l’approche empirique Kespy-Yahi est devenue méthode pédagogique. « Je ne suis pas au départ une professionnelle de la petite enfance, mon avancée doit rester prudente. Bien sûr, j’ai connu une levée de boucliers, des détracteurs. Il m’a fallu une approche prudente pour aboutir à des résultats robustes. Il y a cinq ans, je ne disposais pas de preuves scientifiques de l’efficience de l’approche. »

Développement contrôlé

Alors, prélude à un maillage de crèches Cap enfants partout en France ? Pas si vite. L’entreprise a investi plus d’un million d’euros depuis sa création et ne peut se développer sur ses seuls fonds propres. La solution qui ferait appel à des fonds d’investissement – et exigeraient de la rentabilité – n’est pas envisageable pour Claudia Kespy-Yahi. D’où l’essaimage des « bulles » dans d’autres crèches acquéreuses (comme à Istres). Important : elles sont en test à l’Éducation nationale auprès de bambins de 0 à 6 ans et en maternelles. Il sera temps de rêver que chaque école en France monte sa « bulle ».

Au sein du réseau Cap enfants, ce sont environ 120 professionnel/les qui ont reçu la formation simple voulue pour gérer les « bulles ». Il leur faut avant tout montrer de l’attirance/appétence pour la musique – deux musicologues les forment.
Il manquait à cette construction scientifique la synthèse d’un livre.

Il existe. Les tenants et aboutissants de ces quatorze années de « crèches musicales » sont réunis dans un mode d’emploi très fortement documenté, Petite enfance, de la musique avant toute chose, paru chez Dunod en octobre 2019. La préface de Jean Epstein, psychosociologue, cautionne depuis 2011 l’approche musicale : « Le monde de l’audition, pratiqué et exploré le plus tôt possible sous forme de jeu, [retentit] chez l’enfant sur une foule d’apprentissages de tous ordres » : plaisir, affectivité, émotion, créativité, rêve, imaginaire, concentration, rythme, mouvement.
Vite, après les bébés nageurs, les bébés nageurs dans l’onde sonore.

* David Wechsler a développé plusieurs tests d’intelligence normalisés largement diffusés : le Wechsler-Bellevue, le Wechsler Adult Intelligence Scale (WAIS), le Wechsler Intelligence Scale for Children (WISC) et le Wechsler Preschool and Primary Scale of Intelligence (WPPSI). Il estimait que l’intelligence n’est pas unitaire, mais composite, les différents traits mesurables séparément (d’après Wikipedia).

** L’Institut national de la santé et de la recherche médicale est un organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine. Son objectif : améliorer la santé de tous par le progrès des connaissances sur le vivant et sur les maladies, l’innovation dans les traitements et la recherche en santé publique.

Olivier Magnan

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