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« J’AI LE SENTIMENT DE VIVRE SUR UNE AUTRE PLANÈTE… »

Les jeux vidéo creusent un fossé entre votre adolescent et vous. Lorsqu’il vous en parle, vous ne comprenez rien car son langage est codé. Rassurez-vous, le principe de base de bien des jeux rejoint celui des divertissements d’il y a trente ans : l’objectif est de tuer les méchants, fuir la police, jouer au foot ou prendre soin de ses personnages comme de ses poupées…

Décryptage des principaux jeux

  • Counter Strike ou CSS. Votre enfant incarne au choix un terroriste ou un contre-terroriste et affronte ses adversaires par manches de cinq minutes. Il a l’air seul dans sa chambre, face à son écran d’ordinateur. En réalité, il joue à un jeu d’action en ligne, avec des dizaines de copains.
  • Pro Evolution Soccer ou PES. Le foot comme à la télé. Joueurs connus, maillots officiels, sponsors réels, achat et transfert de joueurs… Tout y est, même les petits passements de jambes, les feintes de corps et les commentaires des journalistes sur les combinaisons en une-deux de votre ado.
  • Gears of War. Dans ce jeu de tir classique, votre enfant est un soldat humain superpuissant qui doit éliminer le plus possible d’aliens à têtes de sauterelle : les locustes. Le joueur ne voit que ses mains et le bout de son canon. On se croirait dans un film de science-fiction. Le principe est le même dans Halo 3.
  • Grand Theft Auto ou GTA. Imaginez un jeu où vous pourriez étrangler un inspecteur des impôts, balancer des plats à la tête de ceux qui râlent à table ou gifler une collègue irritante. En version ado, c’est la possibilité de voler des voitures, écraser des passants, jouer au chat et à la souris avec la police… Pas de limites, pas de morale, le temps d’une partie.
  • World of Warcraft ou WoW. Jeu de rôle en ligne avec neuf millions de joueurs au monde. Votre enfant incarne un personnage dont il choisit la race, l’apparence et le métier. Il tue des monstres, remplit des missions et gagne des points d’expérience qui lui permettent de passer au niveau supérieur. Au niveau 70, il est un vétéran et appartient le plus souvent à une « Guilde », équipe structurée de joueurs qui impose d’être présent dans WoW plusieurs heures par semaine.

« IL S’ÉNERVE LORSQUE JE LUI DEMANDE DE LÂCHER SA MANETTE »

Les jeux vidéo mettent parfois à mal la vie de famille. Lorsque vous demandez à votre enfant de venir dîner, c’est potentiellement la crise.Il attend toujours que vous criiez pour quitter sa partie. Sans parler des moments où vous tentez de limiter son temps passé à jouer : il marchande jusqu’à la dernière minute,comme si vous le priviez d’un bien vital…

Transmettez-lui le sens des priorités

  • Faites-lui prendre conscience de ce que son attitude provoque : il est parfois à l’origine d’une mauvaise ambiance à la maison. Qu’il en prenne conscience et s’interroge sur ses priorités. Préfère-t-il améliorer ses performances sur sa console, ou travailler à améliorer la vie de famille au quotidien ?
  • Demandez-lui de vous expliquer comment fonctionne son jeu vidéo. Les jeux sur console ou sur Internet n’impliquent pas le joueur de la même manière. S’il est en train de traquer un terroriste sur Counter Strike et que vous lui demandez de passer à table immédiatement, vous le condamnez à mort. Dans les jeux en ligne, impossible de mettre pause. Prévenez-le cinq minutes à l’avance…
  • Difficile d’interdire à son enfant les jeux vidéo en semaine, tout en passant soi-même ses soirées devant la télé… Proposez-lui un marché : vous renoncez à la télévision les soirs où il ne peut pas jouer. Vous permettrez ainsi à votre enfant de quitter ses parties de Gears of War pour une vie familiale vivante et riche, non pas pour des soirées en solitaire qui lui feront regretter sa console.

« IL ME REPROCHE DE CRITIQUER SANS CONNAÎTRE »

Lorsque vous passez devant sa chambre, son regard est vide, sa bouche ouverte. Seuls ses pouces bougent et s’agitent frénétiquement sur la manette. C’est à peine s’il retient un filet de bave sur le point de couler… Impossible de le lui faire remarquer. Il ne vous voit même pas. Lorsqu’enfin il perçoit votre irritation, c’est pour vous reprocher de critiquer sans connaître. Et au fond, il n’a peut-être pas tort.

Découvrez votre adolescent

  • Pour donner plus de poids à votre discours éducatif, osez jouer avec lui. Même quelques minutes, même à un jeu de guerre. Essayez de comprendre le plaisir qu’il en retire. Si vous réalisez que son jeu préféré est malsain ou trop prenant, vous trouverez certainement les arguments pour en parler avec lui.
  • Vous constaterez sans doute que ses jeux font souvent appel à la réflexion. Certains scénarios nécessitent de résoudre des énigmes et d’élaborer une véritable stratégie évolutive. Contrairement aux apparences, votre enfant ne s’abrutit pas systématiquement devant ses jeux.
  • Jouer en famille peut aussi se révéler être une occasion de découvrir les traits de caractère de chacun. Certains jeux vidéo sont franchement drôles, à l’instar de Rayman contre les Lapins Crétins (rien que le titre…). Dans l’achat, favorisez les consoles à plusieurs manettes ainsi que les jeux multijoueurs et familiaux.

Les Sims : « la satisfaction de voir que sa famille fonctionne bien »

« Dans le jeu des Sims, l’enfant doit prendre soin des personnages qu’il a créés en subvenant à leurs besoins. Il peut concevoir des Sim’s gentils ou méchants, un mari fou amoureux de sa femme, une épouse qui s’en fiche… Il les fait manger, aller aux toilettes, arriver à l’heure pour le bus… Dans la vraie vie, toutes ces règles sont contraignantes, mais là, elles deviennent rigolotes ! S’ils s’ennuient ou se disputent, les Sims peuvent mourir. En faisant en sorte que les parents travaillent bien, on gagne de l’argent et l’on peut ainsi acheter de plus grandes télés, pour que la famille s’ennuie moins. Les Sims, c’est la satisfaction de voir que sa famille fonctionne bien. » Marie, 16 ans.

« IL SE PREND D’AFFECTION POUR DES ANIMAUX VIRTUELS »

Après les Tamagotchi, les nouveaux jeux sur PC ou sur console permettent de prendre soin de poneys, chiens, enfants, couples ou familles entières. Dans ces jeux, la dimension affective est réelle. L’objectif principal est de voir grandir et évoluer ses personnages. Tant les filles que les garçons sont attirés par ces jeux, phénomène rare dans ce hobby.

Encouragez-le à exercer sa générosité

  • Les jeux de gestion offrent aux adolescents l’opportunité de réaliser facilement les désirs qu’ils portent en eux. Derrière leurs airs blasés, n’oublions pas qu’ils débordent d’affection et de générosité. Mais offrir de son attention, de sa patience et de sa bienveillance à des êtres virtuels est un véritable gâchis de sentiments. Il est important qu’il en prenne conscience.
  • La générosité d’un adolescent n’est pas acquise : elle doit s’exercer et se fortifier pour pouvoir durer. Les jeunes doivent apprendre à passer du simple sentiment à la volonté, et de l’envie aux actes, afin de ne pas perdre ce qu’ils ont de plus précieux en eux : le désir de changer le monde et d’aider les autres.
  • Offrez-lui l’occasion d’être utile à la société par un engagement dans une œuvre caritative. Il apprendra à donner de l’affection tout en prenant des responsabilités ancrées dans le réel. Il découvrira la valeur de l’engagement et la nécessité de la persévérance. Il y gagnera en estime de lui-même, en confiance dans les autres et en la vie.

MICHAEL STORA, psychologue et auteur de : Les écrans, ça rend accro… (éditions Hachette Littératures )

Les jeux vidéo rendent-ils accro ?

On accuse facilement les jeux vidéo d’être à la source de tous les maux. Certes, comme tous les objets de plaisir, ils peuvent donner lieu à des abus. On peut passer du plaisir à l’habitude, puis à la dépendance. Mais le jeu vidéo n’est pas plus fort que soi, contrairement à ce qu’affirme un slogan publicitaire. L’addiction est toujours révélatrice d’autre chose. Les jeux vidéo représentent un nouvel enjeu d’autorité. Ils reposent la question des limites que les parents sont capables de poser.

Pourquoi recommandez-vous de jouer aux jeux vidéo en famille ?

Comme on jouait au Monopoly ensemble, on peut faire preuve d’humour et se retrouver pour des parties de jeux vidéo. C’est une occasion de retrouvailles, d’engueulades, de découvertes que sa mère est mauvaise joueuse, par exemple. Pour un parent qui se place dans une position d’exemplarité excessive, ce peut être l’occasion de descendre de son piédestal. Un père peut autoriser son fils à devenir un homme en acceptant de perdre devant lui. Le jeu vidéo est l’occasion d’apprendre à se servir autrement de cette fameuse télévision qui trône au milieu du salon.

« IL JOUE À DES JEUX VIOLENTS »

Sauf problème psychique grave, un adolescent qui passe des heures à tirer sur des personnages ne reproduira pas les comportements de son héros. Loin du cliché du joueur devenant assassin, les jeux violents posent plutôt le problème de la représentation de la personne. Meurtre après meurtre, l’adolescent se construit avec des sentiments négatifs. Bien qu’orientés vers des personnages virtuels, ils l’imprègnent d’une vision de l’autre comme menace. Toute nouvelle personne devient un danger potentiel, un obstacle à éliminer pour parvenir à ses fins.

Aidez-le à construire une vision positive de l’autre

  • Nos ados sont à un âge où la timidité et la peur de l’autre sont fortes. Ils grandissent dans une société qui imagine que la réussite personnelle passe par la nécessité de faire échouer les autres. Les jeux violents ne contribuent pas à leur donner une vision réaliste de l’autre.
  • Expliquez-lui que la véritable réussite consiste à entraîner les autres avec soi, non pas à leur marcher dessus. Identifiez avec lui ses talents et ses qualités, et montrez-lui que bien souvent, ce sont les autres (ses parents, ses amis, ses professeurs…) qui l’ont aidé à devenir ce qu’il est. Aidez-le également à aller au-devant de ceux dont on a généralement peur, en l’emmenant par exemple discuter avec un SDF dans la rue.

« IL AIME LES JEUX D’HORREUR »

Les jeux vidéo mettant en scène des morts vivants, des corps mutilés ou des monstres effroyables sont souvent très réalistes. La musique est prenante. L’angoisse est réelle pendant le jeu. À l’adolescence, la maturité intellectuelle n’est pas toujours en accord avec la maturité affective. Les ados peuvent très bien connaître des citations de philosophes par cœur et avoir toujours peur du noir. Attention à ces jeux qui, loin d’apaiser les angoisses des jeunes sensibles et imaginatifs, en rajoutent de nouvelles.

« Aiguisez son sens du beau »

  • Si vous considérez que votre enfant est trop jeune pour passer ses soirées devant des images d’horreur, poussez-le à choisir des jeux dont l’univers est apaisant. Veillez à ce qu’il équilibre les moments pendant lesquels il s’imprègne d’images négatives et ceux qui lui permettent de fixer son attention sur d’autres réalités.
  • De manière générale, veillez à éduquer sa conscience et son regard au beau. Verbalisez ce que vous remarquez de positif chez une personne, dans une situation, un paysage ou une idée. Vous orienterez ainsi son attention vers autre chose que le morbide, le sensationnel ou le négatif.

« IL SE BAT AVEC LA POLICE »

Dans GTA, désobéir et se rebeller contre l’autorité est le but du jeu. Mais votre enfant peut prendre plaisir à commettre des actes interdits à travers d’autres jeux vidéo. Dans Les Sims par exemple, il est possible de laisser l’un de ses personnages se noyer volontairement dans sa piscine.Un adolescent qui passe ses soirées à tuer des innocents et à transgresser virtuellement les règles n’est pas un délinquant en puissance. Mais il exprime le besoin de se libérer d’un fardeau trop lourd, celui de respecter au quotidien des règles qu’il a identifiées,mais non pas intégrées.

Eduquez-le à la vraie liberté

  • Veillez toujours à ce qu’il comprenne bien le sens des règles que vous lui imposez, en lui expliquant le pourquoi des interdictions. Aidez-le à comprendre que les lois ont pour objectif de lui faire acquérir une plus grande liberté. Celle de vivre en sécurité par exemple, ou de construire son bonheur.
  • Les ados imagent souvent qu’être libre signifie faire tout ce que l’on veut. Donnez-lui des exemples de situations où l’on peut se fermer des portes en ayant refusé de se fixer des limites. Inversement, montrez-lui que les personnes les plus libres dans leur vie sont celles qui ont gagné mille petites batailles contre elles-mêmes et ont refusé d’écouter toutes leurs pulsions.

« Je retrouve régulièrement des amis du collège ainsi que des joueurs de France et de Belgique sur Internet, pour jouer à des jeux de guerre assez basiques. Je dialogue avec eux à l’aide d’un micro ou par écrit. Lorsque j’étais en Sixième, mes notes ont chuté et je suis passé en un an de 15 de moyenne à 11. Je faisais mes devoirs en jouant. C’est ma mère qui m’a fait prendre conscience que mes notes baissaient depuis que j’avais ces jeux. Elle m’a alors interdit d’y jouer le soir. Le temps passe plus vite lorsque l’on est devant l’écran. Mais les jeux vidéo ne m’ont jamais empêché d’avoir des copains et de sortir, contrairement à ceux qui jouent à World of Warcraft et deviennent des “No life”. » Gabriel, 11 ans.


« IL S’ENNUIE LORSQU’IL NE JOUE PAS AUX JEUX-VIDÉO »

Les jeux-vidéo sont des divertissements puissants qui demandent peu d’efforts. Un adolescent peut passer des heures devant sa console, simplement parce qu’il ne trouve rien d’autre à faire. On la lui confisque et il s’ennuie. Il s’enferme ainsi dans le schéma « Je joue aux jeux vidéo parce que je n’ai pas d’autres idées. Et inversement. ». Cette petite dépendance peut le pousser à acquérir d’autres jeux toujours plus intéressants et captivants.

Incitez-le à utiliser son temps de manière constructive

  • Ne culpabilisez pas s’il s’ennuie lorsque vous lui interdisez d’allumer sa console ou son ordinateur. C’est de l’ennui que naissent les meilleures idées.
  • Poussez-le à profiter de son temps libre pour développer un talent qui enrichira sa vie personnelle ou sociale. Apprendre à bricoler, à dessiner ou à jouer de la guitare est toujours utile. Contrairement aux jeux vidéo, ces divertissements ont l’avantage de ne pas laisser un arrière-goût de temps perdu.
  • Soyez vigilant lors de l’achat des jeux, notamment s’il réclame ceux dont l’univers est « persistant » et où il continue d’évoluer une fois l’ordinateur éteint, à l’instar de World of Warcraft. Ces jeux sont puissamment addictifs.

« IL VIT SA VIE PAR PROCURATION »

Dans les jeux vidéo, les enjeux sont exceptionnels. Les pouvoirs des personnages et leurs possibilités d’action procurent des sensations fortes vite addictives. Certains adolescents se sentent bien dans ce contexte, voire mieux que dans leur vie. Entre peur, joie, stress et plaisir, ils ont le sentiment d’exister pleinement. Pendant ce temps, leur vie se déroule sans qu’ils ne la vivent vraiment, sans qu’ils ne s’y engagent. Comme on peut fuir son quotidien dans la drogue, il est possible de faire abstraction de son existence dans les jeux vidéo.

« Encouragez-le à s’engager dans la vie réelle »

  • Vous sentez que les jeux vidéo sont pour lui un refuge ? Faites le point avec lui sur ses difficultés actuelles. Poussez-le à se confronter à ses problèmes et à mettre en œuvre les solutions pour y remédier. N’ayez pas peur d’une éventuelle crise : il est toujours préférable qu’un mal-être s’exprime par des cris que par une attitude de fuite.
  • S’il exprime le besoin de se défouler, proposez-lui d’organiser avec ses copains des activités où il pourra trouver (en vrai et en mieux) les sensations qu’il recherche dans les jeux. Il en gardera des souvenirs impérissables.
  • S’il aime les courses de voitures, qu’il économise et organise des après-midi de karting. S’il joue à la guerre, qu’il essaie les chasses à l’homme dans le quartier ou les batailles de pommes pourries dans la forêt. Une autre activité de plein air ludique et exceptionnelle : le paintball, jeu de combat au fusil à peinture.

« SES AMIS SONT SUR INTERNET »

Les jeux en ligne intègrent une réelle dimension sociale. Les jeunes jouent en équipe, rigolent, promettent de se venger à la prochaine partie. Certains adolescents, qui connaissent des difficultés pour se sociabiliser ou se sentent isolés, trouvent là une occasion de rentrer en contact avec d’autres jeunes du même âge. Cette démarche peut être positive si elle débouche sur des rencontres ou des amitiés réelles, ou si elle permet de s’intégrer plus facilement dans les conversations, à l’école ou en soirée. Mais elle peut être dangereuse pour l’adolescent s’il s’enferme dans une vie sociale exclusivement virtuelle.

Faites-le réfléchir au sens de l’amitié

  • Veillez à ce que le temps que vous lui accordez pour sortir avec ses amis soit au moins proportionnel à celui qu’il passe à jouer aux jeux vidéos en ligne.
  • Incitez-le à avoir une vie sociale bien réelle à côté de celle qu’il développe sur Internet et poussez-le à consacrer son temps à entretenir plutôt ses véritables amitiés.
  • Aidez-le à réfléchir sur la valeur des amitiés par Internet. Demandez-lui ce que ces copains lui apportent, s’ils seraient prêts à le soutenir ou à venir le voir en cas de problème. Rappelez-lui qu’être ami avec quelqu’un signifie vouloir son bien, pouvoir compter sur lui et inversement. Identifiez avec lui en quoi ses amis l’aident à améliorer sa vie, et en quoi ils le tirent vers le bas. Tirez-en ensemble les conclusions qui s’imposent.

Article réalisé par Florence PERCEVAUT

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